Les cas d'abus sexuels par des femmes sur des mineurs sont de plus en plus nombreux à être rapportés par la presse anglo-saxonne, notamment le "Daily Mail". La médiatisation du phénomène dans les pays anglo-saxons plus importante qu'en France tient en grande partie à la culture protestante.
Philippe Genuit : On parlera ici de perversion dans le sens de pathologie des conduites sexuelles, sans nécessairement nourrir le désir de causer du tort à l'autre. Votre question suggère qu'il y aurait une perversité particulière liée à la culture. Premier point intéressant, cela soulève la question de la perversité féminine : certains diront que celle-ci n'existe pas, sur le plan clinique. L'hystérie, oui, mais pas la perversité. Deuxièmement, cette question a aussi à voir avec le rapport à la loi : l'infraction, qui punit un acte qui a été "noté" comme posant un problème, socialement parlant. Les Anglo-saxons sont sous le domaine de la Common Law, tandis qu'en France nous faisons des lois : pour qu'il y ait une infraction, il faut qu'une loi la définisse. Les Anglo-saxons partent d'un préjudice subi, et la décision, si elle fait jurisprudence, deviendra l'équivalent pour nous d'une loi. Pour en revenir à la pédophilie féminine, l'Anglo-saxon se basera beaucoup plus sur la question des faits : y a-t-il eu préjudices subis par des mineurs, exercés pas des femmes ? Ils en feront alors un objet pragmatique d'étude. Nous, nous chercherons d'abord à définir.
De la même façon que certains disaient qu'il y avait plus d'homosexuels en Angleterre qu'en France, il serait tout aussi faux de dire cela de la pédophilie féminine. La seule différence se trouve dans le traitement social et judiciaire, comme je viens de l'exposer. La société française n'est pas forcément prête à entendre ce que la société anglo-saxonne entend : actuellement en France, la procédure judiciaire n'irait pas jusqu'au bout. Si un enfant est abusé par un adulte, le plus souvent dans le cadre actuel, et qu'il s'agit d'un homme, alors l'affaire est entendue. Lorsque c'est une femme, la chose est bien plus difficile à entendre. Dans les années 90, j'ai commencé à parler des mères qui abusaient de leurs enfants ; ce n'est donc pas nouveau, et certaines étaient incarcérées, mais d'une façon très limitée et discrète sur le plan médiatique.
Les études sociologiques menées chez les Anglo-saxons, Québec compris, dont la justice pénale est régie par la Common Law, sont beaucoup plus axées en des termes statistiques et comparatifs. De fait, on peut raisonnablement envisager que les restitutions journalistiques s'inscrivent dans ce mouvement, plus qu'en France. Sur la criminalité féminine en général, les ouvrages anglophones sont ainsi orientés, tandis qu'en France nous travaillons beaucoup plus sur le fonctionnement psychique de la chose. Ils "comptabilisent", alors que nous "comptons". Ils utilisent des "computers" alors que nous travaillons sur des "ordinateurs". Les mots ne sont pas anodins.
On le mesure de façon différente : en France on aura tendance à envisager la maltraitance en général, sans trop la spécialiser. Il en va de même pour les violences conjugales : les actes sont pléthoriques. Tout ce qui concerne le rapport mère-enfant, avec ce que l'image de la mère implique dans notre culture catholique, influence énormément notre manière de voir les choses. Ce n'est pas le cas au sein d'une culture protestante.
En France les seules statistiques valables sont celles fournies par la justice pénale, c'est-à-dire des femmes condamnées. Environ 20% de femmes sont mises en cause judiciairement, contre 4 ou 50% seulement qui sont condamnées. On a donc une perte de 15% dans la prise en compte, et on ne peut pas faire de statistiques. Les Anglo-saxons, par pragmatisme, prennent en compte toutes les plaintes.
La perception est différente, même si c'est une erreur sur le plan scientifique. Les choses évoluent, certes : on a vu par exemple les premières femmes conduire des bus avec des yeux étonnés, pour maintenant ne plus vraiment les voir, car c'est rentré dans les habitudes, mais le masculin et le féminin ont des caractéristiques sociales et culturelles différentes, indéniablement.
On peut envisager l'abus sexuel par une femme, mais il est difficile de le concevoir. Cette conception aura une influence sur la perception : chez l'homme, la criminalité est évidente. Chez la femme, elle ne l'est pas, donc on se pose systématiquement des questions. Cet abord de la criminalité féminine devrait d'ailleurs nous amener nous poser des questions qu'on ne se pose plus sur la criminalité masculine. Ce qui suppose que les a priori soient remis en cause : quand on a commencé à parler dans les journaux de criminalité féminine, et notamment de violences sexuelles, on a naturellement eu le réflexe de se dire que c'était impossible, car dans l'imaginaire, la femme ne peut pas violer.
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